Le règlement DORA (Digital Operational Resilience Act) inaugure une nouvelle ère pour la cybersécurité du secteur financier. Son objectif : renforcer la résilience opérationnelle face aux cybermenaces. Mais comment cela se traduit-il concrètement dans les organisations ? Quelles transformations impose-t-il aux pratiques de sécurité ? Tour d’horizon à travers quatre piliers essentiels.
1. Renseignement : mieux comprendre la menace
Le premier levier d’une sécurité opérationnelle renforcée, c’est la capacité à analyser, anticiper et contextualiser les menaces. DORA introduit pour cela une exigence de renseignement sur les menaces, aussi appelée Cyber Threat Intelligence (CTI).
Les entités financières doivent désormais instaurer une veille active sur les cybermenaces, incluant les vulnérabilités connues, les campagnes d’attaques observées et les techniques émergentes. Il ne s’agit plus de se contenter d’informations génériques, mais de construire une capacité de renseignement contextualisée, adaptée à son environnement métier. Cette approche proactive s’inscrit pleinement dans les exigences du Digital Operational Resilience Act.
Cela suppose également un partage structuré des informations, tant avec les parties prenantes internes (RSSI, direction des risques, DSI, métiers critiques), qu’avec des acteurs externes (autorités compétentes ou autres entités du secteur). Ces échanges d’information contribuent à une meilleure mutualisation de la connaissance des menaces, à l’échelle de tout l’écosystème.
Dans les structures les plus avancées, ce renseignement est intégré dans des scénarios de risque dynamiques et pilotés au niveau du comité des risques. Plusieurs grands groupes ont d’ores et déjà mis en place des cellules CTI internes et mutualisent leurs efforts via des plateformes sectorielles quand d’autres souscrivent à des offres de service dédiées permettant de capitaliser sur tous les scénarios d’attaques pertinents.
2. Détection : passer de la surveillance à l’anticipation
DORA impose un niveau de détection avancé, fondé sur la capacité à surveiller en continu les environnements critiques, à analyser les signaux faibles et à réagir avant qu’un incident ne compromette les opérations.
Pour satisfaire cette exigence, les entreprises doivent déployer des outils de monitoring en temps réel, capables d’agréger et de corréler les événements issus de multiples sources. L’analyse proactive des comportements anormaux devient centrale, tout comme l’exploitation d’outils de type Security Information and Event Management (SIEM) ou Security Orchestration, Automation and Response (SOAR). L’intelligence artificielle et le machine learning trouvent ici une application concrète : aider à distinguer l’anomalie bénigne de la menace réelle.
La détection repose également sur un cycle d’audits techniques réguliers, portant notamment sur les vulnérabilités logicielles, les configurations critiques et le code source. Ces contrôles doivent être formalisés dans une politique de détection documentée, suivie et améliorée en continu, permettant ainsi de corriger les failles avant qu’elles ne soient exploitées.
Le véritable enjeu est de transformer la détection en capacité d’anticipation. Il ne suffit plus de constater une attaque, il faut être en mesure de la prévenir dans le meilleur des cas, mais surtout de la détecter dès les premières phases de reconnaissance ou de compromission avant qu’elle n’atteigne les fonctions critiques.
3. Incidents : réagir vite et bien
La gestion des incidents est au cœur de la sécurité opérationnelle. Le Digital Operational Resilience Act impose aux entités financières de se doter de processus clairs, éprouvés et documentés, permettant une réaction rapide, coordonnée et efficace en cas d’incident lié aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).
Cela implique d’abord de formaliser un processus de traitement des incidents, intégrant à la fois l’identification, la qualification, la réponse et le retour d’expérience. Chaque incident doit faire l’objet d’une analyse causale rigoureuse pour identifier les failles exploitées et les points d’amélioration. La capacité à limiter les effets de contagion, notamment via des mécanismes de confinement ou d’isolation, est également un point de vigilance clé.
Les actions menées doivent être tracées, datées, justifiées et archivées, dans une logique de traçabilité complète. Cette documentation est essentielle, tant pour les audits internes que pour les inspections réglementaires. Enfin, DORA impose que les dispositifs de réponse soient testés régulièrement : au minimum une fois par an, et idéalement après chaque incident significatif.
L’intégration de ces exigences dans une approche conforme au Digital Operational Resilience Act permet aux organisations de mieux encadrer la gestion des incidents, d’en tirer des enseignements durables et d’éviter leur récurrence.
4. Notification : un cadre strict, des délais courts
L’une des grandes nouveautés introduites par DORA concerne la notification des incidents. Le règlement impose une obligation stricte de déclaration aux autorités compétentes en cas d’incident majeur lié aux TIC. Cette obligation s’étend également aux prestataires critiques de services informatiques.
Le processus de notification s’articule en plusieurs temps. Un rapport initial doit être envoyé dans un délai de 4 heures après la détection de l’incident. Celui-ci est suivi d’un rapport intermédiaire plus détaillé envoyé 72 heures plus tard, puis d’un rapport final envoyé un mois plus tard. Ces courts délais exigent une organisation bien rodée, des circuits de validation agiles et une parfaite coordination entre les équipes techniques, juridiques et de conformité.
Chaque incident notifié doit être analysé sous l’angle de ses impacts opérationnels, techniques, financiers et réputationnels. Il est aussi nécessaire de conserver des preuves solides et vérifiables de la gestion de l’incident, que ce soit sous forme de logs, de rapports techniques ou de captures d’écrans.
Cette obligation de notification induit également une évolution des relations contractuelles avec les prestataires. Il est indispensable de s’assurer que les contrats incluent des clauses spécifiques sur la gestion des incidents, la remontée d’information et la coopération en cas de crise. Le processus normalement déjà initié au travers du RGPD doit servir de base et être étendu suite à la prise en compte de la définition d’un incident dit majeur.
DORA : un levier d’amélioration continue
Plus qu’une contrainte réglementaire, le Digital Operational Resilience Act est une opportunité d’aligner cybersécurité et stratégie d’entreprise. En clarifiant les responsabilités, en imposant des exigences de documentation, de détection et de notification, le règlement pousse les organisations à structurer leurs pratiques et à gagner en maturité.
Pour s’y conformer efficacement, les entreprises doivent agir dès maintenant, avec méthode et pragmatisme. Il leur faut cartographier leurs fonctions critiques, formaliser leur gouvernance cyber, renforcer leurs capacités de détection, tester régulièrement leurs dispositifs de gestion de crise et anticiper les obligations de notification. La réussite repose sur une approche collective, soutenue par une gouvernance forte et des ressources adaptées.
Le Digital Operational Resilience Act devient ainsi un axe stratégique pour renforcer durablement la résilience opérationnelle du secteur financier au sens large (22 000 entités concernées) et de sa chaine de sous-traitance avec l’espoir d’endiguer les cyberattaques ou a minima limiter au strict minimum leurs impacts.
Pour aller plus loin
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